Entre 1977 et 1984, j’ai eu le privilège d’étudier l’art de la peinture des Thankas avec Sherab Palden Beru, principal détenteur de la tradition artistique Karma Gardri, qui remonte au 16ème siècle. En 1967, cet artiste tibétain exceptionnel fut invité par Akong Rimpotché à Samye LIng Tibetan Centre en Écosse, le premier centre bouddhiste tibétain en occident. Il y est resté pour le reste de sa vie et s’est occupé de tous les aspects artistiques du magnifique temple qui y a été construit et inauguré le 8 août 1988, et plus particulièrement d’une série de thankas monumentales qui représentent un véritable trésor.
Ayant fait les humanité artistiques et voulant me consacrer à l’étude de la peinture des thankas, dès ma première visite à Samye Ling en 1971 à l’âge de 17 ans, je lui avait demandé de m’accepter comme élève. J’ai dû attendre l’année 1977 avant qu’il accepte de m’enseigner son art, grâce à l’insistance d’Akong Rimpotché qui l’avait encouragé à accepter des étudiants. Comme conditions il m’a fait promettre d’étudier pendant au moins 7 ans, de ne pas mélanger la tradition Karma Gardri avec d’autres styles afin de la garder authentique, et de ne pas commercialiser mon travail. C’est ainsi que je fus parmi les quelques élèves occidentaux à bénéficier de sa transmission en travaillant sous sa guidance quotidienne sur les grandes thankas qui ornent le monastère de Samye Ling. Je partageais donc ainsi mon temps entre 1977 et 1984 entre Bruxelles et l’Écosse pour recevoir la transmission de ce grand maître qui fut un véritable sage, et qui a vécu jusqu’à l’âge de 102 ans, décédé en 2013.
Ci-dessous j’ai reproduis une série de dessins que j’ai fait en 1981 pour illustrer le livre Dzalendara et Sakarchupa, traduit du tibétain par Ken et Katia Holmes et publié par Samye Ling en Écosse, reprenant les histoires de vies précédentes du Gyalwa Karmapa, telles que racontées par le 15ème Karmapa.
Il y a également une représentation que j’ai peinte il y a quelques années du Roi Guésar de Ling, figure mythique guerrière dont l’épopée est chantée par les troubadours nomades de l’Asie centrale depuis plus de douze siècles. Le combat qu’il mène contre les démons qui envahissent son royaume ne doit pas être pris comme une lutte extérieure animée par l’attachement et l’aversion, mais comme une volonté de vaincre les poisons mentaux qui affligent la plupart des êtres : l’orgueil, la haine, la jalousie, la convoitise et la confusion, afin de transformer ces énergies mal canalisées en sagesses.
Ce héros incarne symboliquement l’homme politique contemporain qui doit, de manière quasi-chevaleresque, contourner les pièges du pouvoir, préservant son intégrité et son idéalisme des débuts pour éradiquer les problèmes de ses concitoyens et créer les conditions favorables à leur épanouissement et à l’éclosion de la paix, de l’harmonie, de la tolérance et de l’équité. Les armements dont il dispose sont la générosité, l’éthique, la patience, la persévérance, la concentration méditative et la sagesse.